logo
Écrit par Administrator
Mercredi, 13 Janvier 2010 18:01

[retour à la page édition/presse]


L'Ecriture et la Peinture

Au début, ce qui frappe c'est le geste ou plutôt les gestes.

On se dit alors, que l'art d'AMATHEUR LANOË c'est dabord cela : des tableaux assemblage de gestes et de couleurs pour les yeux, des signes ouvrant les portes d'un monde irréductiblement différent de celui que nous connaissons, c'est à dire encore, des signes formant une écriture particulière.

Ce monde inconnu, A. LANOË, dans ses oeuvres, en multipliant les formats, en modifiant les tonalités, les couleurs, nous en fait entrevoir l'exceptionnelle richesse, sensible et conceptuelle à la fois. Il existe là, à travers l'oeuvre présentée, un certain rapport au monde, une manière de sentir, une manière d'écrire, bref une façon d'être un homme, dont nous, les hommes du commun -ceux qui ne savent ou ne veulent pas peindre- n'avons jamais exploité les richesses et les potentialités.

Finalement, c'est à cette infirmité, à cette part de nous même que nous laissons généralement à l'état d'atrophie, que la peinture d'A. LANOË nous renvoie. Il faut pour cela passer la frontière et apprendre à voir.

Mais que voyons nous ?

A. LANOË nous propose des espaces colorés l'espace est ici de nature intensive : il s'agit d'un espace exprimé à la fois en compréhension, c'est à dire d'un seul coup, en une seule fois, et en extension comme l'exigent les lois de la représentation, témoins les nombreuses perspectives qu'il nous propose.

Mais, en même temps, ces espaces colorés forment des images : images qui reviennent, images enfouies sous d'autres images qui fuient, images qu'on reconnaît. Le choix des couleurs semble ici bien intimement lié à des réminiscences, à des harmoniques que l'oeuvre toute entière, à la fois contient et suggère.

C'est pourquoi l'image est forcément toute entière virtuelle mais aussi fondue dans une autre image et cela à l'infini. Chaque signe, chaque couleur, chaque geste, cherche à faire revivre une image en l'actualisant, en lui donnant petit à petit forme, en tentant d'en préciser la distinction et le sens.

Il suffit alors de laisser entrer son regard ; une fois cet effort accompli, nous sommes invités par l'oeuvre même, à une sorte de voyage vers les souvenirs, à une sorte d'éternel retour qui,ici, atteint la renaissance. La vision repart sur de nouveaux rails. La peinture lui a fait signe ; nous étions aveugles, la réalité invisible nous est redonnée à voir.

Alors, nous pouvons dire que le tableau, se situe dans un acte partagé. C'est ce qui advient dans une sorte de communion entre ce qui est peint et ce qui est perçu. Telle est la force d'une telle peinture : exprimer à travers une écritures, des signes, des traces matérielles, c'est à dire des images d'existence, de pures essences.

L'oeuvre peinte, son secret, c'est donc celui de l'écriture même, de l'écriture comme essence des choses. Aussi, comprend-on que toutes ces volutes et arabesques autour de noyaux centraux, n'expriment rien d'autre, sous une forme éminement sensible -jeux de couleurs, désordres apparents des signes, variété des matériaux- que l'essence abstraite des choses. La réalité perçue est enfin devenue visible ; elle est signe, valeur d'échange dans un mouvement de pure circulation.

Il y a d'abord le geste, le signe, puis la couleur ; il y a finalement une forme.

 

Michel BOURSE
Juillet 1990


 

[retour à la page édition/presse]

Mis à jour ( Mercredi, 13 Janvier 2010 18:09 )